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Dossiers - Le verre libyque : une impactite ? Point de nos connaissances en mars 1998 (*)

 

par Edmond DIEMER

 

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géophysicien, compagnon des dernières missions de Théodore MONOD


 

 

(*)Ce texte est un résumé actualisé de l'article que j'ai présenté au cours du congrès " Silica 96 " (Bologne 19 juillet 1996) et dont les actes contiennent une bibliographie exhaustive

A - HISTORIQUE - DESCRIPTION - ORIGINE
  1. Introduction
    Situé essentiellement en Egypte, le " Désert Libyque ", peu connu des Français qui s'intéressent surtout à la civilisation de la vallée du Nil, est un espace plein de mystères qui préoccupe encore maintenant par ses énigmes - disparition de l'armée de Cambyse, histoire de l'oasis mythique de Zerzura - les esprits aventureux. Mais les scientifiques ont eux aussi de quoi aiguiser leur curiosité. En effet, depuis bientôt 150 ans on y connaît un verre d'origine mystérieuse. La première mention de ce " Verre libyque " se trouve dans le " Mémoire de Fulgence Fresnel sur la Wadaÿ ". Consul de France à Djeddah, il rapporte, en 1850 qu'un certain Hadjj Hussein, parti à la découverte d'une possible piste entre Kufra et Dakhla, avait trouvé des fragments de verre entre ces deux localités. Ce bédouin voyait là la preuve d'une activité humaine. Tombé dans l'oubli, ce n'est que fin 1932 que Patrick. A. Clayton, travaillant pour le compte du Service Topographique égyptien redécouvrit le site ; il publia les premières informations en 1933.
    Depuis cette date, plus de 170 publications mentionnent ce verre et 90% d'entre-elles sont des études scientifiques concernant ce verre et le comparent à d'autres verres naturels. Le professeur Théodore Monod du Muséum national d'Histoire naturelle est le premier scientifique français qui s'intéressa à ce problème. Il visita plusieurs fois le site et nous l'avons nous-mêmes accompagné quatre fois. Nous avons incité des chercheurs français à travailler sur ce problème et plusieurs publications ont été faites ou sont en cours

    Verres libyques - Photos © Alain & Louis CARION - Site Web : Carion Minéraux

     

  2. Généralités concernant le verre libyque
    1. Site
      Ce verre, se trouve dans la "Grande Mer de Sable" du Désert Libyque, réparti dans un ovale d'environ 130 km d'extension nord-sud (latitudes N 25°02' - N 26°13') et 50 km d'ouest en est (longitudes E 25°24'- E 25°55') et non loin de l'endroit où les cordons de dunes - d'orientation sensiblement NNO-SSE - viennent mourir sur le reg, en bordure du plateau gréseux du Gilf Kébir. Le premier repérage de ce gisement est du à P.A. Clayton qui le redécouvrit en 1932. Il y effectua d'autres voyages et la carte qu'il a dressé a été publié par Spencer en 1939 Les morceaux de verre se trouvent disséminés à la surface du sol des couloirs inter-dunaires de 3 à 5 km de large, séparant des cordons de dunes linéaires

      Le Désert Libyque
      Photo © Alain & Louis CARION
      Site Web : Carion Minéraux

       

    2. Dimension et forme des échantillons
      La dimension des morceaux de verre est très variable. Lorsqu'ils sont petits (2-3 cm), ils se trouvent au milieu des morceaux de quartzite qui jonchent le sol de ces couloirs inter-dunaires, parfaitement plats . Plus gros, 6-10 cm, ils sont plus ou moins enterrés, la partie émergente étant brillante car polie par le vent et douce au toucher ; la partie enterrée est dépolie, granuleuse, cette texture résultant sans doute de l'attaque des eaux sous-saturées ayant pu imprégner le sable pendant quelques millions d'années. Il est à noter que les petits morceaux, trouvés en surface, montrent, par leurs formes arrondies, l'effet du transport par les eaux, alors que les morceaux enterrés sont en général beaucoup plus anguleux. Les morceaux les plus gros qui ont été trouvés étaient entièrement enterrés. Un morceaux de 26 kg, le plus gros jamais trouvé a été remis au Muséum National d'Histoire naturelle. Mais il s'est cassé en deux.

    3. Couleur et aspect
      De couleur jaune à vert clair, plus ou moins transparent, les bulles que contiennent certains échantillons leur confèrent souvent une couleur blanche, et lorsqu'elles sont nombreuses, les morceaux de verre peuvent devenir opaques. Parmi les inclusions les plus typiques et aussi les plus visibles, il y a des sphérules blanches qui s'avèrent être de la cristobalite et des traînées brunes - les schlieren - dont nous parlerons plus longuement. Il est à signaler que les schlieren sont souvent stratifiées, montrant ainsi une structure fluidale : il en est de même des bulles, alignées par rapport à cette structure et souvent allongées dans le sens de ces stratifications. Ces alignements sont rectilignes et non incurvés comme cela est le cas pour les tectites.

    4. L'âge du verre
      L'âge de formation du verre a été déterminé par la méthode du potassium-argon et par la méthode des traces de fission. Cette dernière méthode donne des valeurs allant de 28,5 à 29,5, ± 0,4 millions d'années (Ma). La méthode K-Ar donne des valeurs plus élevées, 58,3 ± 16,4 millions d'années ; mais on pense que cet âge élevé ne reflète pas l'âge de la formation du verre mais est faussé par l'argon présent dans la roche qui a formé le verre.

      Des tentatives ont été faites pour déterminer, à partir de l'action de spallation des rayons cosmiques, la durée d'exposition du verre et sa durée d'enfouissement . Malheureusement les valeurs sont très disparates d'un échantillon à l'autre. L'ordre de grandeur est de 0,2 à 3 millions d'années pour la durée d'exposition et de 0,3 à 4 millions d'années pour la durée d'enfouissement

    5. Estimation de la masse de verre
      En 1984, l'équipe Weeks-Underwood-Giegengack(*) a effectué des relevés statistiques sur le terrain ; la concentration, en surface et en fait jusqu'à 2 cm d'enfouissement, est de 0,4 g/m². Cette équipe estime que le verre se trouve sur une surface de 3500 km², soit beaucoup moins grande que les 6500 km² déduits des chiffres de Spencer. Pour une surface de 3500 km² on arrive à une masse de 1,4 x 109 g ce qui correspondrait, avec un verre de densité 2 à une sphère de matière en fusion de 6 m de rayon. Mais des morceaux de verre ont été signalés jusqu'à une profondeur de 2 m ce qui multiplierait cette valeur par 100 ; enfin, ces auteurs estiment qu'après 29 millions d'années, il ne resterait, du fait de l'érosion, plus que 1% de la masse initiale de verre. Il faudrait donc multiplier la masse actuelle par 100, soit au total, par 10000 : la matière initiale en fusion serait alors équivalente à une sphère de 120 m de rayon.

    (*) C'est, de toute la bibliographie, la meilleure étude de synthèse

  3. Propriétés chimiques
    1. Composants majeurs
      L'examen du tableau des composants majeurs de ce verre montre qu'il est très riche en silice.
      Valeur moyenne (%) pour 13 échantillons
      SiO2 Al2O3 FeO Fe2O3 TiO2
      98.42 1.02 0.18 0.14 0.13

      La figure qui rassemble les teneurs en silice et en alumine mentionnées par divers auteurs, montre qu'à part un échantillon d'urengoïte (verre découvert récemment en Sibérie) aucun autre verre naturel n'est aussi riche en silice. Cette très haute teneur en silice exclut en particulier la possibilité que ce verre soit d'origine volcanique.

    2. Eléments trace
      De nombreux auteurs se sont attelés à la recherche des éléments trace, en particulier Christian Koeberl, Robert Rocchia et Jean Alix Barrat :ils ont en particulier mis en évidence, dans les traînées brunes :
      • de fortes teneurs en iridium ( jusqu'à 4-6 ng/g)
      • des éléments sidérophiles et de la famille du platine
      et ont constaté que tous ces éléments étaient présents dans des proportions chondritiques

    3. Teneur en carbone organique
      A ce jour, seul un professeur Allemand, Ulrich Jux, a recherché des composés organiques et a mis en évidence des hydrocarbures de 8 à 26 atomes de carbone dont près de un quart sont saturés et parmi lesquels on trouve du phytane et du pristane ; le rapport 13C/12C indiquerait une origine végétale de ce carbone. Jusqu'à présent les seules recherches de carbone ont porté sur la présence éventuelle de micro-diamants - assez classiques dans les tectites ou impactites, mais elle s'est révélée négative. Des travaux sont en cours pour la détection des hydrocarbures organiques.

    4. Teneur en eau
      Le verre libyque contient des quantités d'eau relativement élevées comme cela est d'ailleurs aussi le cas pour les moldavites. D'après nos études (Fröhlich) cette eau n'est pas dans le réseau cristallin mais doit être contenue dans les bulles.

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