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Histoire de la paléontologie, Darwin et Théorie de l'Evolution

Laurent Dubois

Introduction

Dans l'histoire de la paléontologie, mais également de la biologie, de la génétique et même de la philosophie et de la religion, nous pouvons dire qu'il existe un 'avant Darwin' et un 'après Darwin' avec comme charnière la publication de son œuvre ' l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ' (1859). Cette œuvre représente 20 ans de travaux, de réflexions, de remises en questions, notamment au cours de son voyage sur le Beagle, avec lequel il fit le tour du monde du 21 décembre 1831 au 2 octobre 1836. Charles Darwin (1809 - 1882) y défini à partir d'idées préexistantes et de cheminements intellectuels qui lui sont propres, la théorie révolutionnaire de la sélection naturelle, sélection responsable de la survie ou de la mort des individus, mais également des espèces. Selon lui les organismes changent de génération en génération pour aboutir à de nouvelles espèces. De nos jours, ces idées sont pour un paléontologue, la base de la réflexion. A l'époque, ce n'était évidemment pas le cas et les réactions à cette théorie furent nombreuses.


I) L'avant Darwin

A) La naissance de la paléontologie

Pour comprendre la difficulté de l'émergence de la paléontologie, il faut se replonger dans la mentalité de l'époque. En effet, la religion occupe une place prépondérante dans les têtes, également dans celle des scientifiques.

Les précurseurs de la paléontologie se nomment Léonard de Vinci (1452 - 1519) et Bernard Palissy (1510 - 1589). Ils définissent pour la première fois les fossiles comme étant des restes organiques (avant ils étaient attribués à des jeux de la nature tel que les éclairs par exemple). Ils voient en ces fossiles le résultat et les témoins de déluges bibliques.

Pour permettre le développement de la paléontologie, il fallait dans un premier temps, un changement de mentalité qui passait par la reconnaissance des temps géologique. Ce n'est qu'à la fin du 18 ème siècle que Geoges-Louis Leclerc de Buffon (1707 - 1788) va remettre en question l'âge de la Terre. Avant ça, il était admis que la Terre avait été créé en 7 jours selon la bible, et qu'elle avait 4004 ans, âge défini à partir d'études se basant sur l'ancien et le nouveau testament. Buffon, quant à lui, affirmait un âge de 75000 ans. Même si cette valeur était fausse (la Terre a 4,5 Ga), elle eut au moins le mérite de bousculer les croyances de l'époque. Cette affirmation dérangea tellement que Buffon du présenter des excuses publiques. Mais il était déjà trop tard, la remise en question était amorcée. Darwin lui-même, avança quelques dizaines d'années plus tard, le chiffre de 2 milliards d'années (2 Ga). Ce chiffre était toujours aussi faux, néanmoins il fit partie de ceux qui firent prendre conscience de l'intérêt que pouvait représenter les fossiles. En effet, à la fin du 18 ème siècle, l'âge de la Terre n'avait de cesse d'augmenter. Serait-il alors possible de dater les terrains sédimentaires à partir des fossiles ? Ces fossiles avaient-ils un intérêt ? Un élément de réponse fut apporté au début du 19 ème siècle. En 1815, l'anglais William Smith et le français Alexandre Brongniart rassemblent les cartes géologiques de leur pays respectifs et comparent le bassin londonien et bassin parisien. Ils observent alors que les terrains sédimentaires et les fossiles sont identiques des deux côtés de la Manche. Cette rencontre est à la base de la paléontologie stratigraphique et à l'origine de l'établissement de l'échelle stratigraphique.


B) Les anciennes théories paléontologiques

L'étude des fossiles, et notamment de la biostratigraphie, pose de nouvelles questions. Par exemple comment expliquer la succession de la faune et de la flore (figure 1) dans les différentes couches géologiques ?

succession de couches géologiques
Fig. 1: variation de la faune dans une succession de couches géologiques


Différentes explications voient le jour :
- une catastrophe extermine l'espèce A, puis nous avons création de l'espèce B.
- l'espèce A disparaît puis nous avons une nouvelle génération spontanée.
- il y a une transformation de l'espèce A en B….

Le foisonnement d'hypothèse engendra la création de 'clans'. Pour synthétiser, nous pouvons dire qu'il y avait deux grandes théories : certains pensaient que les espèces étaient fixes, donc la succession d'espèce est due à la création de nouvelles espèces, ce sont les fixistes. D'autres pensaient que les espèces étaient stables selon les conditions, ce sont les évolutionnistes (cf. III A).


La conception fixiste

La théorie du fixisme comporte plusieurs variantes, qui se sont parfois succédées pour essayer de garder une certaine crédibilité face aux arguments des évolutionnistes. Nous allons en énoncer les principales ci-dessous.

- Fixisme (fig. 2) : les fixistes pensent que les espèces sont créées par Dieu à partir d'un couple originel, et qu'elles ne changeaient pas au cours du temps, il suffisait donc de les répertorier, de les cataloguer. Le représentant le plus emblématique du fixisme pur est Carl Von Linné (1707 - 1778), principalement pour une raison : la nomenclature binomiale. Dans le but de répertorier les organismes fossiles et actuels, il inventa cette nomenclature dans laquelle chaque organisme porterait un nom de genre, suivi d'un nom espèce ( Homo sapiens , par exemple). Toutefois le cas de Linné est également un peu particulier, car il se démarqua de ses confrères lorsqu'il fit le choix de regrouper le singe et l'homme dans un même ordre (Anthropomorpha), choix qui fut énormément critiqué.

le fixisme
Fig. 2: représentation du monde vivant selon le fixisme


- Fixisme avec extinction (fig. 3) : lorsque les paléontologues découvrirent les nombreuses espèces fossiles, les fixistes durent admettre qu'un grand nombre d'organisme n'étaient plus présents de nos jours. La notion d'extinction fut donc admise par les fixistes. C'est également le début du catastrophisme : intervention d'événements majeurs (comme le déluge biblique) causant des extinctions. Georges Cuvier (1769 - 1832), spécialiste de l'anatomie comparée, était un des défenseurs de cette théorie. Dans ce cas de fixisme avec extinction, un autre problème se pose : comment expliquer qu'il existe toujours autant d'espèces ? Ces extinctions ne devraient-elles pas engendrer une baisse de la biodiversité facilement observable. C'est cette réflexion qui conduisit au fixisme avec extinction et remplacement.

fixisme avec extinction
Fig. 3: représentation du monde vivant selon le fixisme avec extinction


- Fixisme avec extinction et remplacement (fig. 4) : les espèces sont toujours créées par Dieu, il existe des extinctions, mais les espèces sont ensuite remplacées par d'autres. Buffon, Lyell (il changea d'avis plus tard) et Cuvier adhèrent à cette pensée. Pour Cuvier, il n'y avait pas d'évolution mais des catastrophes suivies de créations.

fixisme avec extinction et remplacement
Fig. 4: représentation du monde vivant selon le fixisme avec extinction et remplacement


- Fixisme avec extinction et remplacement avec progrès (fig. 5) : dans ce cas de figure, Dieu refait les espèces, mais en mieux. Louis Agassiz (1807 - 1873) défendait cette théorie. Il a également été le premier a formulé d'hypothèse des glaciations en 1837. Agassiz (pour l'esclavagisme) était l'ennemi scientifique de Darwin (contre l'esclavagisme). Pour Darwin, certaines des observations d'Agassiz étaient bonnes, mais ses conclusions étaient faussées par le fixisme.


fixisme avec extinction et remplacement avec progrès
Fig. 5: représentation du monde vivant selon le fixisme avec extinction et remplacement avec progrès



II) Le voyage de Darwin

A 22 ans, Charles Darwin embarque sur le Beagle le 27 décembre 1831, bateau commandé par le capitaine FitzRoy. Au cours de ce voyage, il va étudier tout ce qui est possible d'étudier, que ce soit la paléontologie, la géologie, la botanique, la zoologie et bien d'autres encore (fig. 6).

Voyage du Beagle
Fig. 6: route prise par le Beagle


Dans son Autobiographie, Darwin caractérise ce voyage comme "déterminant pour toute ma carrière, le voyage du Beagle fut de loin l'événement le plus important de ma vie". Et pour cause, c'est au cours de ce périple que son travail de naturaliste va prendre toute son ampleur. La collecte de spécimens est riche, la description des espèces et de leurs habitudes précises, ainsi que la pertinence de ses travaux, vont faire de Darwin une célébrité en Angleterre. Avant ce voyage, Darwin ne se démarquait pas des créationnistes, mais les questions que ses observations vont engendrer ne trouveront aucunes réponses pertinentes en adéquation avec les idées à l'époque. Ces interrogations laissées en suspend, vont le pousser à remettre en question l'enseignement reçu à Cambridge, mélange de théologie et sciences naturelles.

Pendant ces 5 années, Darwin forge ses opinions :

- à partir de ses observations faites pendant ce voyage et également, à ces réflexions postérieures basées sur les tortues et les pinçons des Galápagos, il commence a douté du créationnisme et commence à penser au transformisme. Faits étranges : les tortues et poinçons présentent des caractères identiques à tous et des caractères différents selon l'île sur laquelle ils habitent. Darwin comprend alors que les différentes espèces sont issues d'une seule, ce qui ne n'est pas en accord avec la pensée créationniste.
- il s'oppose au catastrophisme et adhère à l'uniformitarisme et gradualisme de Lyell. Lyell définit les changements subis par la surface terrestre comme étant le résultat de forces agissant de manière constante et graduelle. Au contraire, le catastrophisme définit ces changements géologiques et les extinctions d'espèces étant causés par des événements catrastrophiques tel que le déluge biblique.
- il s'indigne de voir les conditions des esclaves dans certains pays visités. Il est anti-esclavage.


III) L'oeuvre de Darwin

L'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle publié en 1859, bouleverse les idées reçues en paléontologie, zoologie, et même en philosophie et religion. Charles Darwin (1809 - 1882) y défini à partir d'idées préexistantes et de cheminements intellectuels qui lui sont propres, la théorie révolutionnaire de la sélection naturelle, sélection responsable de la survie ou de la mort des individus, mais également des espèces. Selon lui les organismes changent de génération en génération pour aboutir à de nouvelles espèces. Même si le terme 'évolution' n'est jamais utilisé dans cet ouvrage, sa définition et bien présente parmi ses lignes.

Il faut toutefois garder à l'esprit que bien que son livre soit une révolution, Darwin s'est lui-même beaucoup contredit, notamment sur la macroévolution et microévolution, l'influence de l'environnement, l'hérédité, les modes de spéciation….. Il s'est souvent réfuté, mais n'est ce pas là une belle preuve d'ouverture d'esprit et d'intelligence ?

Regardons les principaux apports de l'origine des espèces selon un paléontologue.

A) MAYR 1985
Paléontologue et biologiste.

Il a essayé de faire une classification des idées apportées par Darwin. Il en voit 5 principales.

- L'évolution "en tant que t'elle" (le transformisme) Bien qu'il ne soit pas le premier à en parler, Darwin structure cette idée en une théorie construite. Il a beaucoup été influencé par Lyell.

- L'ascendance commune (ou descendance commune), les branchements successifs C'est la notion d'ancêtre commun. On trouve déjà des notions d'arbres chez Cuvier et Agassiz (ontogénie). Darwin aurait été très inspiré à ce sujet par les pinçons des Galápagos. Cette idée est celle qui est acceptée le plus rapidement par les biologistes. Elle a éclairé les scientifiques travaillant sur l'ontogénie, l'anatomie comparée et l'embryologie comparée entre autres.

- Le gradualisme La nature ne fait jamais de saut. Les gradualistes sont opposés aux saltationnistes qui pensent que les changements se font brusquement, par saut important. Le gradualisme est la réponse parfaite aux critiques de la sélection naturelle.

- La multiplication des espèces Le grand nombre d'espèce posait des problèmes aux biologistes qui étaient créationnistes. Pour eux il n'y avait qu'une seule apparition au début ce qui posait problème pour les extinction trouvées par les paléontologues (voir précédemment : les théories paléontologiques).

- La sélection naturelle en elle même


B) Arguments conduisant à l'hypothèse de sélection naturelle

a) Dans chaque espèce, les organismes tendent à s'accroître en nombre selon une proportion géométrique. Thomas Malthus (1766 - 1834).
b) Il naît beaucoup plus d'individus qu'il n'en peut survivre (limitation des ressources). Thomas Malthus (1766 - 1834).
c) a+b= Les individus sont en concurrence pour la survie et la reproduction (principe de 'lutte pour l'existence' ou 'compétition'). Thomas Malthus (1766 - 1834).
d) Pour un grand nombre de caractères, il existe une variation héritable.
e) Certaines des variations sont avantageuses.
f) c+d+e = hypothèse de sélection naturelle.
g) Toute petite variation est conservée si elle est avantageuse. Darwin
h) Toute petite variation qui apparaît au cours du temps, et qui favorise les individus d'une espèce en les adaptant mieux à des conditions de vie qui auraient changé, tendra à être conservée ; la sélection naturelle aura ainsi libre champ pour son travail d'amélioration.


IV) L'après Darwin

A) Les nouvelles théories paléontologiques

Les conceptions évolutionnistes se développent très rapidement et trouvent de plus en plus d'adhérents, et ce malgré les scandales qu'elles provoquaient en s'opposant aux croyances du moment. A cette époque, des questions aussi simple que "pourquoi les poissons ont des nageoires ?", "pourquoi les oiseaux ont-ils des ailes ?" ne trouvaient qu'une seule réponse possible : " parce que Dieu leur a donné les éléments nécessaires et incontournables pour vivre dans leur milieu naturel".

Les nouvelles idées pouvaient dorénavant répondre à ses questions en se basant sur plusieurs principes :

- il existe une certaine variabilité au sein d'une espèce.
- les espèces sont fixes quand les conditions du milieu ne changent pas.
- si les conditions du milieu changent, les espèces adaptées aux nouvelles conditions survivront, les autres mourront ou partiront.

A partir de ces idées, deux clans s'opposent :

o Le Lamarckisme
Il est basé sur l'idée qu'un organe sollicité se développe, sinon il régresse. Il y a une hérédité des caractères acquis.
o Le Darwinisme
Il est basé sur l'idée de la sélection naturelle. Toutes les espèces montrent des variabilités, qu'elles soient avantageuses ou non. Il y a chez certaines espèces, une aptitude à survivre selon la variabilité naturelle. Pour Darwin, la sélection est continue (fig. 7). Au contraire, Thomas Huxley n'était pas d'accord, pour lui il y avait une discontinuité (saltationnisme, fig. 7), ainsi que pour Galton (grand statisticien, inventeur de la carte météo, du terme 'anticyclone'…).

saltationnisme et gradualisme
Fig. 7: représentation de l'évolution par saltationnisme (à gauche) et gradualisme (à droite)


B) Le problème

Le point d) des arguments conduisant à l'hypothèse de sélection naturelle ' pour un grand nombre de caractères, il existe une variation héritable' pause problème. C'est le point le plus délicat pour les biologistes car Darwin n'a pas de théorie de l'hérédité plausible, qui tienne la route pour conforter la sélection naturelle. A cette époque, l'hérédité génétique n'était pas connue, ce qui débouche sur un conflit entre deux camps, les biométriciens (Galton, Pearson….) et les mendéliens (Vries, Bateson….).

Après la mort de Darwin en 1882, les deux camps s'affrontent.

Pendant 30 ans on été biométriciens (Darwin) ou mendéliens. Il faut attendre les années 1930 pour que ce conflit aboutisse à une réunification des deux camps, et ce, grâce à la génétique des populations. Le regroupement a lieu lorsque le phénomène de l'hérédité est compris par la génétique, ce qui conduit à la naissance de la synthèse néo-darwinienne. A partir de ce moment, l'existence de la sélection naturelle n'est plus critiquée.


C) La synthèse néo-darwinienne

- les populations sont génétiquement polymorphes et la variation génétique est créée par mutation et recombinaison aléatoires.
- les populations évoluent par changement des fréquences géniques sous l'effet de la dérive génétique, des flux de gènes et de la sélection naturelle.
- la plupart des variations génétiques adaptatives ont des effets phénotypiques limités conduisant à des changements évolutifs graduels.
- la diversification du vivant est obtenue par spéciation provenant d'isolements reproductifs entre populations.


Conclusions

Bien entendu, Darwin ne fut pas le seul à travailler dans l'élaboration de la synthèse néo-darwinienne, mais il fut un élément clé. Ses études, ses travaux, ses observations, mais également ses remises en question, la remise en question de ce qui était considéré comme acquis ont bouleversé le système de raisonnement. Darwin lui-même défini admirablement bien l'ensemble de son œuvre dans son autobiographie, dans laquelle il écrit : "Ainsi, mon succès comme homme de science, quelle qu'en ait été l'ampleur, tient, autant que je puisse en juger, à tout un ensemble complexe de qualités et de conditions diverses, parmi lesquelles - et ce sont les plus importantes - l'amour de la science, ma patience sans bornes à réfléchir longuement sur un sujet donné, mon activité d'observation et de récolte de faits, enfin une bonne dose d'invention autant que de bon sens. Etant donné la médiocrité de mes capacités (Darwin ne fut pas toujours un bon élève, il se qualifie lui-même de 'médiocre') , il est vraiment surprenant que j'aie influencé aussi considérablement l'opinion des hommes de science sur quelques points important".

Pour terminer ce sujet, il faut bien garder à l'esprit que ces principes qui viennent d'être de résumé ne s'appliquent pas qu'à la paléontologie mais en général, au monde du vivant qu'il soit passé ou actuel.


Dossier SagaScience du CNRS sur l'origine de la vie aux origines de l'Homme : "L'Evolution" ici !
Liens vers des sites présentant l'Evolution, Darwin ici !

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