VÉRONIQUE TOURNIS (1958-2025)
Ce 25 janvier Véronique Tournis est décédée dans sa 66ème année. Une grande dame de la géologie appliquée et du monde associatif des sciences de la terre nous a quittés.
Sa vie a été exemplaire. Sa jeunesse a été grandement marquée par la passion de son père, André, pour la navigation à voile. C’est durant ces jeunes années, marquées par de rudes régates, qu’elle a forgé ses qualités d’endurance et de détermination.
Après son baccalauréat, elle a abordé les études universitaires avec une certaine nonchalance : à la géologie elle a adjoint pendant une courte période, l’anthropologie. En 1985, elle reçoit un appel téléphonique du maître de conférence, François Boyer, qui cherchait un étudiant pour un stage de DEA au sein du laboratoire de Géologie appliquée de l’université Pierre et Marie Curie. Son sujet portait sur les mines d’or de la Montagne Noire.
Elle accepta l’offre et vint à Paris. Le stage s’est bien déroulé. Véronique finit major de sa promotion ! Ce succès a éveillé en elle une passion pour la géologie, les mines et les minerais. Il lui a aussi permis d’obtenir une bourse de thèse.
Dirigée par M le Pr Michel Fonteilles elle portait sur : Les indices du Beaujolais méridional et les altérations qui y sont associées et la comparaison avec le secteur de la Brevenne.
Cette thèse était financée par un grand opérateur minier et l’une des tâches assignées à Véronique était de diriger une équipe de foreurs irlandais. Ce qui n’était pas simple : il était difficile pour une femme de s’imposer dans ce milieu masculin constitué de gaillards turbulents et brutaux qu’elle devait récupérer parfois à l’hôpital, parfois au commissariat de police. À ces difficultés s’ajoutait le fait qu’il fallait comprendre leur accent et leur argot.
La finalisation de la thèse a pris un certain temps, car Véronique s’impliquait dans d’autres chantiers. Le premier portait sur une série de forages pour évaluer les réserves de la mine de barytine de Chaillac dans l’Indre. Il n’y avait là qu’un seul foreur bulgare, peu turbulent et encore moins brutal… mais alcoolique. Lorsque Véronique s’aperçut qu’il était complètement ivre tous les jours vers 13h, elle décida que les forages commenceraient à 5 heures du matin ! Le second chantier était celui du forage profond de Balazuc.
Finalement la thèse a été soutenue en 1990.
Malgré un impact certain auprès de géologues miniers concurrents, le mérite scientifique de cette thèse n’a été reconnu qu’en 2018, près de trente ans après, lorsque Véronique détailla à nouveau ses résultats au Pr Fonteilles qui reconnut son erreur de ne pas y avoir attaché assez d’importance. Après quelques travaux supplémentaires, il y a eu la parution d’un article majeur sur une nouvelle substitution chimique dans un mica et ses conséquences pour la compréhension des altérations géochimiques dans le Beaujolais.
Sa thèse en poche, Véronique était embauchée au Comptoir des Minéraux et Matières premières (CMMP) dirigé par Françoise Briot. Commence alors une période de plusieurs années où Véronique part visiter des mines et usines de traitements en Afrique du Sud, au Zimbabwe, au Mozambique, au Maroc, en Inde, en Allemagne et en Espagne. Elle se montre entreprenante et audacieuse, n’hésitant pas à visiter les mines les plus dangereuses et à prodiguer des conseils sur leur exploitation. Une anecdote, qu’elle aimait à rappeler, illustre son audace : lors d’un séjour en Inde, elle s’aperçut à l’aéroport de Madras que l’on avait oublié de sortir de l’avion son marteau de géologue. Furieuse elle courut sur le tarmac, poursuivie par les agents de sécurité, stoppa l’avion qui manoeuvrait, et récupéra son marteau !
L’aventure au CMMP s’arrêta en 1996 peu après un changement de direction. C’est alors qu’elle décida d’avoir des enfants. Guillaume naquit le 4 juillet 1997 et Arthur le 13 décembre 1999.
En ce début du XXIème siècle Véronique reprit peu à peu une activité de consultant en minéraux industriels. Tout d’abord avec la société Sibelco, anciennement Micronor, qui se fournissait en oxyde de fer micacé au Maroc. Elle a alors visité des mines dangereuses au point que leurs propriétaires n’avaient jamais osé y rentrer. Elle fit en sorte que les conditions de vie des mineurs soient nettement améliorées. Mineurs qui manifestaient leur respect envers elle en l’appelant, « Monsieur » Tournis.
Elle travailla ensuite, jusqu’en 2018, pour la société chinoise SANC, Société d’Asie de Négoce et de Commerce. Ce qui lui valut plusieurs séjours en Chine. Dans le cadre de cette société, Véronique s’était beaucoup investie dans le projet d’exploiter les sables lourds d’une plage située au sud du Maroc afin d’en retirer le zircon, ce minéral utilisé dans l’industrie des céramiques.
L’activité de consultant de Véronique était reconnue et, jusqu’à ces derniers mois, elle était régulièrement sollicitée par de nombreuses sociétés ou organismes.
En parallèle à ses travaux, Véronique s’est beaucoup investie dans le monde associatif. Tout d’abord dans l’association Geopolis, la confédération française des acteurs des sciences de la terre. Fondée en l’an 2000, cette association était en crise en 2012 et l’on craignait qu’elle disparaisse. Véronique se porta alors volontaire pour en prendre la présidence, poste qu’elle a conservé jusqu’à son décès. Elle a apporté de profonds changements dans son fonctionnement qui ont permis à cette association de croître et d’atteindre le rôle de leader en France.
Elle a aussi créé et dirigé l’Association des Amis du Patrimoine Géologique de l’UPMC (APGU) qui a travaillé sur la conservation des collections de roches et de minerais et alerté l’université sur leur risque de déshérence.
Elle a aussi été jusqu’à la fin, dans le comité de rédaction de Géologues, la revue officielle de la Société Géologique de France.
Avec Jean-Claude Boulliard, elle a coécrit L’or en France et Les sept systèmes cristallins comment les reconnaître, traduit et adapter l’ouvrage de Judith Crowe BIJOUX et pierres précieuses, et participer à la réalisation de 101 minéraux et pierres précieuses qu’il faut avoir vu dans sa vie. Elle a imaginé divers jeux de cartes « géologiques » et affiches pour Géopolis
Ces trois dernière années, Véronique était de plus en plus affectée par la longue maladie qui a indirectement conduit à son décès.
S’il fallait qualifier brièvement sa vie professionnelle et associative, les mots de passion, de détermination et de courage doivent être mis en avant. Passion pour la géologie appliquée, les mines et leur exploitation. Détermination pour que tous ses projets aboutissent coûte que coûte. Courage d’avoir su s’imposer dans un milieu où les femmes étaient souvent invisibles.
Jean-Claude Boulliard
Une exposition en Dordogne qui nous ramène des dizaines de millions d’années en arrière !
Au numéro 2 de la rue de Paris, l’association Le Bugue minéral, qui a fondé le musée de Minéralogie et de Paléontologie de la commune du Périgord noir, a inauguré, samedi 21 décembre à 17 h 30, une passionnante exposition gratuite sur le monde des dinosaures.
Elle permet de suivre la piste de ces bêtes impressionnantes, du Var jusqu’aux plages de Vendée. En Provence, ils ont déposé une très grande quantité d’œufs aujourd’hui fossilisés. On retrouve ensuite leurs empreintes sur les causses de Lozère et d’Aveyron puis dans le Lot. Enfin, dans les deux Charentes, des restes gigantesques de ces animaux effrayants ont été découverts.
Cette exposition a bénéficié du soutien du Conseil départemental de la Dordogne avec son budget participatif et de prestigieux partenariats scientifiques, mais elle a aussi demandé une énergie considérable aux membres de l’association qui a été créée en 2018 par Hervé Franville-Lasargue. Cet ancien instituteur a ouvert le musée le 1er juin 2019, avec l’appui de Jean Montoriol, l’ancien maire du Bugue. Celui-ci a mis les locaux actuels, gratuitement à disposition.
Hervé Franville-Lasargue est un passionné de minéralogie et de fossiles. Plus des deux tiers des pierres présentées dans l’espace dédié à la minéralogie ont été ramassées par lui. Il est bien soutenu par Jean-Paul Saint-Martin, un autre bénévole, professeur émérite au Muséum d’histoire naturelle et par beaucoup d’autres membres de l’association.
Celle-ci est ainsi en mesure d’organiser une sortie par mois sur le terrain, des tables rondes sur des thématiques diverses et des ateliers de techniques d’initiation. Les familles sont séduites par ces activités au point, qu’aujourd’hui, 20 % des membres de la structure sont des enfants. Pourtant, beaucoup des 7 500 visiteurs annuels du musée se posent une question : la formidable fréquentation des autres équipements touristiques du Bugue ne justifierait-elle pas que ces collections exceptionnelles soient mises en valeur dans un espace muséal mieux adapté, moderne et bâti pour l’occasion ?
Immersion dans les sables de Damery (Champagne), il y a 45 millions d'années, pour la première sortie de l'année :
Ce site, véritable référence historique de la paléontologie française, a été re-exploité et magnifiquement mis en valeur grâce à l’initiative d’un passionné qui a creusé une galerie en plein cœur de la strate fossilifère !
Certes, le creusement de cette galerie n’apporte pas directement une nouvelle contribution à la connaissance : les nombreuses espèces de mollusques 🐚 et les paléoenvironnements tropicaux de la région sont déjà bien documentés. Mais ce « musée in situ » procure une nouvelle perception : c’est tout simplement une sensation fantastique que d’être DANS le caillou, submergé par les beautés et les mystères de la nature !
Moi qui suis très sensible aux excitations procurées par la recherche scientifique 🧠, j’adore aussi dépasser le cadre du questionnement et me laisser emporter par la beauté, dans le rêve : « Creuser une mine de fossiles… »
Magnifique illustration du continuum entre une œuvre scientifique et une œuvre artistique !
Le Musée du Mange-Cailloux (musée pédagogique des minéraux créé par un passionné) organise un concours d'art sur un thème insolite : la création d'un mange-cailloux, animal mystérieux et légendaire vivant sous terre et se nourrissant exclusivement de roches. Concours gratuit, ouvert à tous les artistes amateurs ou professionnels. Il y aura deux catégories :
(A titre d'exemple, le visuel associé à cette collecte laisse entrevoir le mange-cailloux déjà visible au fond d'une grotte dans le musée. Il a été réalisé en 2023 par la jeune artiste locale Marina Capo à la demande de Thierry Charrier, créateur du musée, pour susciter du mystère, de la fascination et du souvenir auprès des jeunes visiteurs).
Cadre du concours :
Le musée fête ses 10 ans en 2025. Il a prévu de créer pour l'occasion 10 événements, dont un concours et une exposition d'art à son image : insolite et grand public.
Le concours sera officiellement lancé le 28 janvier 2025. La remise des prix se fera le 8 juin 2025, à l'issue du 7e festival du Mange-Cailloux (fête de la pierre) marqué cette année par les 10 ans du musée.
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