MIM - Musée des Minéraux de Beyrouth

 

Texte de Suzy Hakimian (1) et Jean-Claude Boulliard (2)

(1) Conservatrice en chef du MIM, Université Saint Joseph, MIM, Université Saint Joseph – Campus de l’Innovation et du Sport, Rue de Damas , Beyrouth, Liban

(2) Directeur de la collection des minéraux de l’UPMC – La Sorbonne, Collection des Minéraux, 4 place Jussieu, 75252PARIS cedex 05, France

 

« Il y a un temps pour tout…. Un temps pour lancer les pierres, et un temps pour ramasser les pierres ». L’Ecclésiaste 3

 

 

Préambule

Ces dernières années, le monde de la minéralogie de collection bruissait d’informations plus ou moins secrètes sur un projet de musée de minéraux à Beyrouth, Liban. Qui plus est d’un musée qui regrouperait des minéraux d’une qualité ultime, ce que les états-uniens qualifient de « best known » ou « near best known minerals ». Peu à peu la rumeur s’est muée en réalité. Finalement ce musée a été inauguré en grandes  pompes le 12 octobre 2013. Son nom est « MIM » qui est la prononciation de la lettre M en arabe. Lettre que l’on retrouve dans le logo du musée.

 

La genèse d’une collection

L’histoire du MIM commence un jour de février 1997 dans le quartier Saint Germain et plus précisément dans la rue Guénégaud bien connue alors des collectionneurs de minéraux car elle abrite, depuis plusieurs décennies, la boutique de Michel Cachoux. Ce jour-là, Salim Éddé, intrigué, franchit le seuil de la boutique et rencontre Michel qui, comme à son habitude, se lance dans une présentation passionnée, brillante et débridée des minéraux. Il conduit Salim à l’étage supérieur dans la pièce considérée par beaucoup, comme le saint des saints de la minéralogie parisienne. C’est là, que sont conservés les minéraux hors classe, réservés à quelques collectionneurs triés sur le volet.

Salim est conquis. Les semaines suivantes, il visite les autres magasins de minéraux de Paris. Alain Carion lui conseille de visiter les musées parisiens du Muséum, de l’École des Mines et de Jussieu (UPMC-Université Pierre et Marie Curie). Il est particulièrement ébloui par la collection de l’université. Il contacte Jean-Claude Boulliard, qui est depuis peu le directeur et conservateur de la collection. Une longue série de discussions interminables sur les minéraux commence alors. Polytechnicien et chimiste de formation, les minéraux attirent Salim par les interrogations scientifiques qu’ils lui suggèrent. Comment se sont-ils formés ? Quelles sont leurs propriétés physiques et chimiques ? Cependant, son père, collectionneur d’art et numismate de niveau international, lui a appris que pour constituer une grande collection, il faut acquérir au moins le meilleur et le dépasser si possible. Les acquisitions de haut niveau vont se succéder.

 

Une collection de collection

Une des caractéristiques de la collection du MIM est qu’elle profite d’une période très faste où beaucoup de collections sont mises en vente et où s’ajoutent d’incroyables découvertes en Chine, au Pérou, au Pakistan, en Afghanistan, aux Congo. À chaque fois, ce sont les plus belles pièces qui sont acquises.

La collection compte aujourd’hui 1450 spécimens. Cela semble peu, mais la majorité présente une qualité ultime. Pas moins d’une cinquantaine de minéraux se classent dans ce que l’on connaît de meilleur pour l’espèce (et l’on ne parle pas ici de raretés microscopiques). Peu de musées peuvent se vanter d’en exposer plus d’une dizaine.

 

Un pari improbable, le MIM

Posséder des minéraux parmi les plus beaux jamais connus procure certainement un grand plaisir, mais Salim prend vite conscience que la contemplation solitaire des minéraux n’est pas un but en soi. Il forme rapidement le projet de constituer un musée. En 2004, il en parle au père René Chamussy, alors recteur de l’université Saint-Joseph à Beyrouth. Tout en lui expliquant son projet, il sort une tourmaline d’une boîte pour lui montrer à quoi ressemblent les minéraux. Etonné, le père Chamussy lui demande : « Est-ce ainsi qu’ils sont dans la Nature ? ». Salim acquiesce. Trois minutes plus tard le recteur prend sa décision. Un nouveau campus est en chantier, il y a 1300 m² destinés à un parking qui seront maintenant réservés aux minéraux. Salim avoue n’avoir jamais été témoin d’une décision aussi rapide pour un projet aussi improbable.

 

Un projet, une réalisation exemplaire

La réalisation de ce projet doit attendre la construction du campus. Ce qui n’est pas simple dans une ville millénaire, où le moindre chantier met à jour des vestiges archéologiques. Ce qui n’est pas simple aussi pour une ville martyre qui subit, depuis des décennies, toutes les menaces et agressions du Moyen-Orient. Salim s’entoure d’une équipe dynamique, compétente et dévouée. Il prend comme architecte Fadlallah Dagher, renommé pour sa réalisation de l’ambassade de France (entre autres). Suzy Hakimian, ancienne conservatrice du Musée National et personnalité connue de l’ICOM, est nommée conservatrice. Elle est secondée par Carole Atallah.

En 2010, le plan du musée est à peu près terminé, en mai 2011, la maquette du musée est prête, à la fin de l’année, les travaux commencent, en juillet 2012, les vitrines sont installées, les minéraux sont prêts à être déballés et installés.

Il était initialement prévu qu’il y aurait un pourcentage assez modeste de minéraux exposés sur socles. Sur les conseils de Suzy, il apparaît vite que le soclage profite aux minéraux : un millier de spécimens seront soclés, ce qui demandera plusieurs mois. En juillet 2013, il ne reste plus que quelques détails. Il faut maintenant choisir la date de l’inauguration. Ce serait une tâche aisée dans de nombreux de pays, mais ne l’est pas ici. La guerre est aux portes du Liban et les risques d’embrasement sont importants. Finalement le cabinet du Président du Liban fixe le 12 octobre. Sous réserve que la situation le permette.

 

Un musée

La visite commence par la boutique et la billetterie situées sur l’esplanade du campus Saint Joseph. Un escalier, et un ascenseur, permettent l’accès à l’Atrium, une vaste salle qui dessert les différentes parties du musée. C’est d’abord un espace de rencontre qui accueille aussi des activités sociales et culturelles. Comme « mises en bouche », 5 colonnes incrustées de petites vitrines exposent des minéraux. Une salle de 75 m2, la salle Cristal, est dédiée aux expositions temporaires.  Le musée, proprement dit, commence par un large corridor, « le couloir de présentation » avec un mur flanqué de neuf vitrines colonnes présentant les principales classes minérales illustrées par un minéral esthétique de grande dimension. Des panneaux interactifs placés en vis-à-vis permettent de faire ses premiers pas dans le tableau de Mendeleïev et les arcanes de la minéralogie. Toutes les explications sont données en arabe, anglais et français. On entre ensuite dans une grande pièce « la salle de la systématique ». À son entrée, à droite, une alcôve « l’alcôve des minéraux rayonnants » est constituée d’un petit couloir qui mène à une vitrine, où sont exposés les minéraux uranifères et les thorifères, équipée d’une évacuation du radon.

La salle de la systématique est composée de vitrines murales et armoires qui contiennent les minéraux rangés suivant les différentes classes minérales. Les cartels présentent le nom du minéral en arabe, anglais et français. Si l’on veut plus de renseignements, on se connecte avec son smart phone au site qui donne des informations détaillées.

Pour donner au lecteur une idée du niveau d’excellence des spécimens exposés, on va vous décrire quelques minéraux des vitrines de la première classe, celle des natifs. Y sont exposés des cristaux d’or de 4 cm, des cristaux de plomb et de bismuth de dimension similaire, de rarissimes cristaux centimétriques d’antimoine sur calcite, des diamants de plusieurs dizaines de carats, de variétés différentes  comme des macles ou un très beau diamant « astérié ». Des cuivres cristallisés du Michigan, superbes, des argents en rameaux de Kongsberg très esthétiques et dépassant la dizaine de centimètres, quelques uns des plus beaux argents cristallisés du Michigan. Pour ceux qui trouveraient les ors un peu petits, les cristaux de cuivre pas assez grands et les diamants trop légers, il y a encore mieux plus loin. Au sein de cette salle, aux deux tiers du parcours environ, on découvre une grande vitrine murale avec trois niveaux en pyramide, c’est la « vitrine des trophées » imaginée par l’architecte, Fadlallah Dagher. Elle contient des spécimens de qualité ultime issus de grandes collections. Cette vitrine est stupéfiante ; elle présente à elle seule assez de spécimens pour faire la fierté de plusieurs des plus grands musées internationaux.

On passe de la salle de la systématique à une pièce avec trois pans de vitrines murales consacrées à la systématique régionale. L’ambiance est celle d’un cabinet de curiosité ; les spécimens sont présentés sur des socles portant le nom et le pays d’origine. Un vaste écran interactif horizontal donne des informations plus précises sur la minéralogie des pays représentés et leurs gisements. Il n’y a pas de quatrième mur mais un pan de mur, baptisé « le mur des tourmalines » qui est incrusté de 99 tranches de tourmalines de Madagascar éclairées par l’arrière ; elles montrent au visiteur des structures insoupçonnées, souvent cachées.

Ce pan de mur masque partiellement deux petites entrées : celles de la « salle du trésor », le saint du saint du MIM. Elle est composée de 21 vitrines colonnes. Chacune contient un ou plusieurs spécimens. Il n’y a pas de cartels. Les minéraux ici sont précieux, ils sont portés à l’admiration du visiteur pour leurs seules qualités. Un diamant de plus de 300 carats, des pépites d’or cristallisées époustouflantes, des saphirs, des rubis, des émeraudes, de formes et de couleurs vertigineuses. Comme le dit Salim : « J'ai voulu partager cet étonnement pour l'esthétique du monde minéral sur lequel s’est construite la vie sur notre planète ».

L’ensemble du musée abrite 1450 pièces, illustrant plus de 300 espèces, issues de 61 pays. Les nouvelles technologies d’animation visuelle, des écrans tactiles et site web pour tablette offrent une plus grande interactivité avec les visiteurs et permettent la transmission d’un plus grand nombre d’informations. Il n’y a pas d’exemple de musée de minéralogie avec ce niveau de développement des supports informatiques.

 

L’inauguration

Le 12 octobre 2013, le MIM est enfin inauguré. Près de trois cents personnes sont présentes, Son Excellence Monsieur le Président de la République du Liban Michel Sleiman, Monsieur le Premier Ministre Tammam Salam, Messieurs les ministres, Messieurs les Députés et Messieurs les Ambassadeurs, notamment Monsieur l’Ambassadeur de France Patrice Paoli, passionné de minéraux.

Le monde de la minéralogie est représenté par une cinquantaine de personnes : scientifiques, conservateurs, collectionneurs et négociants. La cérémonie se déroule sur l’esplanade du campus, à l’air libre. Elle commence à 18 heures, juste au coucher du soleil, par le discours du recteur de l’université Saint-Joseph, le père Salim Daccache, suivi de trois discours de Monsieur Salim Eddé en arabe, en français et en anglais. Elle se poursuit par un spectacle de son et lumière réalisé par Jean Gibran, professeur d’audiovisuel à l’université Saint-Joseph. Puis, Monsieur le Président de la République accompagné de ses ministres coupe le ruban en présence de Salim Eddé  qui les conduit dans une visite guidée et commentée. Un buffet dînatoire permet ensuite à chacun de lier connaissance et de partager ses impressions. Les plus courageux ont terminé la soirée (ou la nuit) au célèbre night-club « Sky Bar » qui domine la baie de Beyrouth près du port.

 

Conclusion

Le Liban est connu pour sa richesse paléontologique et les témoignages de l’histoire d’un Océan disparu : Thétys. Dans ses calcaires, on découvre les fossiles parmi les plus extraordinaires du Monde. L’histoire exceptionnelle du Liban est assez jeune en termes géologiques. Par contre, pas de mines de pierres gemmes, de diamants, béryls, tourmalines ou grenats. On ne risque pas d’y découvrir non plus des filons de cuivre, d’or ou d’argent. Que l’on se rassure, le MIM à Beyrouth répare cette injustice géologique et fait du Liban le pays où se trouvent maintenant les plus beaux spécimens de minéraux jamais exposés au regard et à l’imagination.

Le MIM est un musée qui contribue à enrichir le patrimoine culturel de Beyrouth et à faire de cette capitale toujours une des plus attirantes de la région. C’est un musée qui témoigne de la volonté inébranlable de cette ville et de ce pays de renaître, de vivre, de prospérer et de rayonner malgré tout. C’est aussi un musée conçu comme un lieu de rencontre et d’initiation d’un large public.

Pour le collectionneur, l’amateur de minéralogie, il a le mérite de répondre enfin à une question sans cesse posée : quel est le plus beau musée au monde?

Il faut visiter ce musée parce que c’est là que l’on peut découvrir et connaître de quoi le monde minéral est capable. Ses nombreuses options muséologiques et informatiques renouvellent la présentation des minéraux et les fait entrer brillamment dans le vingt et unième siècle.

 

Informations diverses

Localisation : Campus de l’Innovation et du Sport- Université Saint-Joseph, Rue de Damas, Beyrouth

Téléphone:    +961 1 421672

Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Site internet : http://www.mim.museum                                                           

Horaires : 10h – 13h, 14h – 18h. Fermeture les Lundis 

Tarifs :

Moins de 12 ans : gratuit

13-18 ans : 2000 L.L.

Etudiant : 3000 L.L.

Adulte : 6000 L.L.

Membre ICOM : gratuit

Remarque : le dollar US est partout accepté au Liban. Le taux de change est 1 USD = 1500 LL (Livre libanaise)

 

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