Autres temps, autres mœurs… La visite des hauts lieux de la minéralogie à Tucson ne commence plus par l’hotel Tucson City Center, mais par le Mineral City qui fête sa deuxième année. On y trouve tous les marchands de haut niveau qui ont déserté le Tucson City Center sous les menaces de changement de direction et de création d’un nouveau lieu très éloigné du centre ville.
Le « mineral city » se compose de trois hangars abritant des box plus ou moins grands. C’est sommaire, bien que les marchands aient pris un grand soin de présentation. Le niveau minéralogique est élevé, mais l’ambiance et la restauration, plutôt monacales.
Les rutiles en fibres minces du Brésil sont connus depuis longtemps comme inclusions dans le quartz: ce sont les cheveux de Vénus. Les aiguilles avec hématite, sans quartz sont apparus de façon sporadiques depuis plusieurs décennies. Cette année il y a des ensembles avec des fibres minces et longues, des cheveux de Vénus sans quartz, qui, par les dimensions importantes des spécimens, constituent une découverte originale.
Toujours du Brésil, notons les belles dumortierites en inclusions dans le quartz, de la mine Muerta dans l’état de Bahia ainsi que de belles concrétions de quartz rose sur des cristaux de quartz blanc, de Taquaral dans le Minas Gerais.
La minéralogie russe est aussi bien présente avec ce que l’on considère maintenant comme de grands classiques, certes contemporains : axinite géante de Puyva, natrolite de Kola et rubellite de Malkhan. Et un échantillon plus modeste de saphir.
Toujours de Russie, des cuprites géantes avec cuivre le la sibérienne mine, au nom imprononçable de Rubtsovskyi.
Les améthystes en gros cristaux sur tapis de petits cristaux de quatrz blancs, de Jackson’s cross road, en Georgie (Etats-Unis), réservent toujours d’intéressants spécimens. Les prix, après avoir connu d’incroyables flambées, se sont maintenant stabilisés. Ainsi, le beau spécimens représenté sur la photo affiche un prix plus de dix fois inférieur à ce que l’on a connu de plus élevé, naguère.
Les amazonites et quartz morions, très restaurés, du Colorado, sont toujours à l’honneur.
On trouve encore des lots intéressants de halite bleue de Carlsbad (Nouveau-Mexique). Les prix restent cependant étonnamment élevés pour un matériel aussi sensible à l’humidité.
Le monde des minéralogistes bien informés, bruissait depuis près de quatre mois, sur la découverte de buissons de cristaux de ludlamite de la très célèbre mine de Huanuni en Bolivie. Les plus grands groupes de cristaux rayonnants atteindraient les 6-7 cm de diamètre. Plusieurs spécimens de ce genre ont été présentés de façon plus ou moins confidentielle au « Mineral City ». Les cotes sont assez musclées. On n’a pas de renseignements sur l’abondance de la découverte
Les fluorites rouges de Huangangliang (Mongolie intérieure, Chine) ont été découvertes vers septembre 2019. elles ont donné lieu à une incroyable frénésie. Des pièces ont été vendues 4 fois dans la même journée!! Les premiers lots ont été vu à Munich. Qui n’était pas le lieu idéal, car les amateurs de minéralogie alpine, y ont vu des concurrentes des fluorites roses du Mont Blanc et de Suisse, et les ont dénigré. Un constat s’est pourtant imposé, malgré les polémiques. Les couleurs des pièces alpines, sont certes agréables mais elle restent dans la teinte rose, le rouge n’a été approché qu’avec quelques spécimens roses profond. Les fluorites chinoise, sont souvent rose pâle insaturé, mais les meilleures sont d’un rouge profond à sombre incontestable. On se méfiera cependant de l’éclairage: la plupart des lampes LED restituent mal ces rouges. De plus les cristaux ont cru sur de l’amiante verte et ont donc souvent à leur base des inclusions vertes qui, éclairées donnent une couleur prune, moins attrayante. De plus les réflexions de lumière sur la surface, masquent la couleur. Un commerçant italien avisé, a compris ces travers, en éclairant ses fluorites par le dessus, et sur la face arrière de la pyramide supérieure de l’octaèdre.
Les octaèdres de fluorite rouge sur des tapis de cristaux de quartz prase (quartz coloré par des inclusions d’amiante verte) constitue « le plus du meilleur » (the best of the best), comme l’illustre la photographie. Illustration bien modeste car l’autorisation de photographier de meilleures pièces n’a pas été accordé. D’après les milieux bien informés, la meilleure pièce sera visible bientôt sur le site du MIM (musée des minéraux de Beyrouth).
En lots de consolation, ces deux très belles pièces. Pour les amateurs, prévoir un achat à 6 chiffre. Et peut-être verra-t-on meilleur au Westward Look ?
La minéralogie française n’était pas absente grâce à un lot d’hématite et chlorite sur quartz, trouvés l’an dernier dans les deux Alpes.
Le trajet entre le « Mineral City » et le « Tucson City Center » passe à proximité de l’ancien « Executive Inn » qui a été, après le « Desert Inn », le haut lieu de la minéralogie de top niveau durant plus d’une décennie. Ces dernières années, il vivotait en accueillant quelques exposants. L’an dernier, l’organisation de la bourse avait été reprise et l’on s’attendait à un réveil de cet hôtel. Le propriétaire avait cependant omis de préciser qu’il était sur la point de le vendre à la mairie de Tucson. Cette année , on pouvait contempler, les dégâts que cet hôtel a déjà subi avant sa prochaine destruction.
Après une journée au Mineral City, une visite au Tucson city center s’impose. Cet hôtel offre toujours un cadre beaucoup plus agréable que son austère concurrent.
Un conflit avec le gérant de l’hôtel a conduit à l’éviction de l’organisateur. C’est ce qui a motivé la création du Mineral City et au nouveau projet de show à l’hôtel « Conquistador ». Un show qui se veut plus luxueux dans un lieu assez excentré.
Ces dernières années, les pelouses de l’hôtel étaient envahies de dinosaures et autres grosses bêtes. Cette année, est-ce un effet du réchauffement climatique?, il n’y avait que quelques petits dinosaures s’abritant sous un palmier.
Les défections ont beau avoir été nombreuses, il reste encore des marchands importants comme celui qui est à la source des minéraux de Milpillas (Sonora, Mexique). Viennent d’abord les azurites en cristaux, parfois gemmes, parfois presque décimétriques. Les cotes restent soutenues.
Viennent ensuite les nouveautés de cette mine que l’on annonce comme le nouveau Tsumeb (ce qui est vrai pour la qualité des spécimens, mais encore à prouver pour le nombre d’espèces, à ce jour assez limité). Cette année, il y a eu, en nouvelles espèces, tout d’abord des dioptases sur shattuckite de qualité très moyenne.
Autre nouveauté, des cristaux « géants » d’olivenite, jusqu’à 4 cm de longueur et 3mm de diamètre.
Les premières fluorites vertes de Mandronarivo, présentées il y a environ deux ans étaient assez confuses et peu esthétiques. Cette année , il était possible de trouver des pierres esthétiques de belle qualité.
L’observation des toits de l’hôtel permettent d’avoir une vision originale de la technologie aux Etats-Unis. Gageons que ces cheminée ont des formes dictées par des contraintes d’efficacité aérodynamique et souhaitons que les éclectiques branchements électriques résisterons aux intempéries.
Le meilleur endroit de Tucson pour les minéraux de haut à très haut de gamme est la maison de Fine Minérals qui jouxte l’Hôtel City Center. D’année en année, ce lieu prend de la hauteur. Les photos y sont à ce jour interdites, mais on peut se référer aux comptes-rendus précédents pour mesurer le niveau de qualité qu’offre ce lieu.
A proximité de Fine Minerals, il y a le Granada Mineral show: une tente presque vide avec, cette année, deux rhinocéros fossiles se combattant.
Après le Granada show vient la Granada galerie, d’un très grand luxe. Elle offre à voir des chefs-d’œuvre lapidaires, des fossiles et une exposition temporaire.
On peut aimer ou ne pas aimer. Ce sont tout de même des prouesses de lapidaires d’Allemagne.
Une belle exposition sur les météorites de Mars et la Lune.
Des gogottes de Fontainebleau, côtoient des ammonites du Canada !?
Après les lieux majeurs de la minéralogie, viennent les hôtels le long de l’A10, où l’offre est plus diversifiée. Avec une pensée nostalgique pour le Red Lion, qui était jadis le Travelodge et le deuxième hôtel le plus important en minéralogie.
Le principal hôtel, le long de l’A10, pour les minéralogistes est le Ramada, ex-Pueblo, ex-Sheraton qui abrite le Pueblo Gem & Mineral show. On y trouve des commerçants en minéraux du plus haut niveau ainsi que d’autres plus modestes. C’est aussi le show des gemmes brutes où l’on peut découvrir parfois de fort belles pierres.
Le Ramada est aussi l’hôtel des cristaux géants... de quartz surtout.
Saphir ne rime pas toujours avec pierre précieuse comme on a pu le voir sur ce stand qui offrait des corindons de plusieurs kilos. La chrysoprase est par contre plus intéressante.
Située entre le Tucson City Center et le Mineral City il y a a galerie de Superb Mineral. C’est l’endroit que l’on ne doit manquer sous aucun prétexte. On y trouve l’essentiel des nouvelles découvertes faites en Inde.
Avec à l’entrée une invraisemblable calcite en croissance subparallèle, de plusieurs dizaines de centimètres, et quelques réparations. Elle illustre, une fois de plus, toutes les surprises que recèlent les immenses trapps du Deccan.
Des vitrines sous la protection de Ganesh, dieu de la sagesse, la prudence l’intelligence, l’éducation, et patron des travailleurs du savoir.
Une annexe sombre avec des géodes géantes de zéolites indiennes.
L’activité principale de Tucson n’est pas les minéraux et encore moins les fossiles. C’est les pierres précieuses. Le show le plus prestigieux est l’AGTA où l’on peut voir des pierres de couleur d’une qualité ultime (les diamants y sont presque absents). On y fait parfois des découvertes surprenantes, comme ce stand qui présente la production toute nouvelle de rubis extraits dans le Groenland. Le bloc est un bloc de glace avec des rubis.
La Smithsonian Institution, à Washington, présente plusieurs de ses joyaux ainsi que les gemmes qui lui ont été données cette dernière année. Un autre lieu incontournable de la gemmologie est le GJX qui est à proximité d’AGTA. Ensuite il y a une multitude d’endroits avec une concentration impressionnante dans la zone de Palo Verde où les plus courageux peuvent trouver quelques rares marchands de minéraux… on ne dira pas lesquels, à vous de les découvrir, c’est un des défis de Tucson.
Voici enfin ce vendredi 07 février, l’ouverture du Westward Look, le complexe touristique qui se veut accueillir les meilleurs marchands et minéraux. Cette manifestation consiste en plusieurs blocs de six appartements occupés par les marchands.
Une fois que l’on a réussi à parquer sa voiture, parfois assez loin, la visite peut commencer.
Comme toujours dans les shows étatsuniens, les publicités sont omniprésentes et foisonnantes. La première étape est de trouver l’information utile. Ce qui, en l’occurrence n’est pas trop difficile car le Westward Look ne compte que quelques dizaines d’exposants. La plupart ont exposé dans les shows antérieurs. Très peu, moins d’une dizaine n’exposent qu’ici. Ce sont eux qu’il faut voir en premier.
Un ensemble de stalactites de malachite et chrysocolle de la République démocratique du Congo a fait forte impression. Pièce spectaculaire, elle a été achetée par le musée du Gemmological Institute of America.
Un beau moulage d’un cristal de quartz (disparu) par du quartz rose du Brésil.
Deux beaux exemples des quartz rutilés de l’Hymalaya indien
Une très belle alexandrite du Zimbawe (le bleu est un chrysocolle sur l’étagère du dessous). Rappelons que l’alexandrite est une variété de chrysobéryl, verte à la lumière du jour et rouge pourpre à la lumière incandescente.
Une très belle et très inhabituelle rubellite de Paprok, Afghanistan.
Un commerçant a présenté une vitrine de quartz qui préfigure la présentation d’une future exposition dans son magasin de New York.
Sur la photo : un quartz rose du Brésil, une améthyste des Etats-Unis et un quartz de Colombie
Un bel ensemble de la minéralogie alpine, qui malgré la très sévère concurrence internationale, a encore des aficionados. Les quartz vrillés russes étant maintenant rares, ceux des Alpes sont les seuls disponibles, généralement.
Un des effets des renouvellements générationnels est la vente sur le marché de collections anciennes. Avec, entre autres, des minéraux de Tsumeb, comme ces dioptases.
Les très importantes récoltes de vanadinite de Mibladen de ces derniers temps, n’ont pas eu de visibilité à Tucson. Cette étagère représente presque l’essentiel des vanadinites présentées au Westward Look. Elles ont été très peu représentées dans les autres shows. On pouvait se consoler en allant dans les lieux moins prestigieux le long de l’autoroute ou d’Oracle road, où se concentrent les grossistes marocains.
C’est la consolation que l’on a (le plaisir des yeux), après avoir vu les prix ou plutôt deviné les prix, car il y a beaucoup de POR (price on request : prix révélé à la demande… comptez 6 chiffres) et même des NFS (not for sale: pas à vendre sauf si l’offre est vraiment, vraiment beaucoup très intéressante).
A droite une calcite d’Uruguay avec des motifs cunéiformes sur la face principale (peu visibles sur la photo). Pour beaucoup, cette pièce est passée pour l’une des meilleures, des plus surprenantes du show?!?!?!?! Assez peu compréhensible. Peut-être parce qu’elle était vendue par un des marchands les plus chers du show.
La vitrine la plus fournie en fluorites rouges, chez un marchand qui connaît la Chine depuis longtemps. Vu l’abondance de cristaux de ce type, ils ont été (un peu) boudés.
Pour les tourmalinophiles, surtout
L’une des rares nouveautés de cette année a été les wulfenites de La Morita, état de Chihuahua au Mexique. Ce sont des pièces plaisantes de couleur orangé, classique pour ce minéral.
Une belle curiosité : une chalcocite d’Espagne, présentée à titre privé, mais non exposée au public.
La mine de Navidad, Rodeo dans l’état de Durango au Mexique, nous avait rassasié de creedites orangées. Cette année ont a vu des pièces de couleur violet, la plus appréciée. Mais pas toujours la plus stable.
Les cuivres d’Australie sont peu reconnus, c’est dommage et injuste comme le démontrent ces pépites aux très belles formes (le gisement n’a pas encore été dévoilé).
Une naumanite, un séléniure d’argent, sur gangue avec filon d’or (non visible sur la photo) de Joyce Vein, Fire Creeck mine, Lander Co., Nevada (USA)
Un cristal de galène tordu, mais est-ce encore un cristal ?
Oui et non. Une chose est certaine: comme dans tous les autres shows, il y a eu une fréquentation en baisse. Elle est partie liée à la peur de l’épidémie à coronavirus : les chinois sont nombreux à Tucson. Cependant, les commerçants qui ont joué le jeu en apportant du matériel original n’ont pas eu à se plaindre. Ceux qui montrent la même chose sur plusieurs emplacements ont été moins satisfaits.