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Haut de page Notion de Patrimoine Géologique

Par Jean-Claude Boulliard, Directeur de la collection minéralogique de l'Université Pierre et Marie Curie - Paris VI
Résumé d'une intervention présentée lors d'un colloque en 1999.


I - Introduction
La deuxième moitié de notre siècle a vu l'émergence et le développement de l'écologie. Ce mouvement politique est à la mode et jouit d'un écho très favorable dans les médias. L'histoire de notre siècle nous a cependant appris qu'il faut se méfier des idées à la mode et de ces faux consensus qui résultent de la volonté militante de quelques-uns et de la passivité du plus grand nombre. Ce qui paraît bien fondé à une époque peut se révéler calamiteux plus tard. C'est pourquoi, il nous faut oublier les charmes des idéologies, exercer notre esprit critique, et revenir à ce qui doit être un débat objectif et démocratique.

II - Les premières interrogations
Pour entrer dans le coeur de mon propos je vais revenir sur le terme de patrimoine géologique qui est à la base d'une politique étendue de protection qui voudrait que l'on cesse d'exploiter certaines richesses du sous-sol de notre pays.
Le terme de patrimoine géologique est à la fois correct et dangereux. L'ambiguïté tient à la fois à la notion de patrimoine en elle-même et au sens et à la portée que l'on donne à l'adjectif géologique.
En ce qui concerne le patrimoine, une définition au sens large et non restrictive, peut être la suivante :
"le patrimoine est l'ensemble des biens qu'une personne ou un groupe décide de transmettre aux générations futures".
On voit apparaître dans cette définition la notion de groupe et le fait que le patrimoine des uns peut ne pas être celui des autres. De plus, suivant le groupe, le patrimoine a une extension variée : on peut parler de patrimoine familial, régional, national ou mondial.
L'utilisation de l'adjectif géologique, quant à lui, est doublement ambiguë. La première ambiguïté réside dans le fait qu'il y a systématiquement une confusion entre les sciences de la terre et la géologie. L'autre ambiguïté tient au coté scientifique qu'englobe ce terme. Il laisse à penser qu'il y a toujours des motivations scientifiques.
Pour mettre un peu d'ordre dans la notion de patrimoine géologique il faut reprendre point par point les différentes interrogations qu'elle implique, à savoir : Qu'est-ce qu'un patrimoine géologique ? Qui réclame un patrimoine ? Pourquoi conserver un patrimoine ?
Comment gérer un patrimoine? On pourrait trouver d'autres questions, mais vu le temps qui n'est imparti je vais développer quelques éléments de réflexions sur les questions évoquées.

III - Qu'est-ce qu'un patrimoine géologique ?

III - A - Le patrimoine géologique et les sciences de la terre
La géologie dans son sens premier à pour objet (je cite la définition du petit Larousse) : "l'étude des matériaux composant le globe, de leur nature, de leur situation et des causes qui ont déterminé cette situation". La spécificité de la géologie est la connaissance de l'histoire de la terre. Le géologue s'intéresse surtout aux structures et aux ensembles de terrains en place aussi complets que possible (comme les stratotypes). Son patrimoine sera donc lié à ces structures.
Depuis longtemps d'autres disciplines dépendant initialement de la géologie se sont développées. Elles ont acquis une large indépendance et leur rattachement à la géologie n'a plus de sens. D'ailleurs, on ne parle plus de géologie mais plutôt de sciences de la terre voire de sciences de l'univers. Parmi ces disciplines il y a la paléontologie et la minéralogie. Leur autonomie implique une définition différente du patrimoine pour chacune d'elles. Le patrimoine du paléontologue ou du minéralogiste est moins dépendant des gisements complets en place. Par contre il dépend beaucoup plus des objets récoltés et conservés dans les collections.

III - B- Le patrimoine géologique et la science
Un point important concerne le sens que l'on donne à l'activité scientifique. En effet la science comprend deux pôles : d'une part la culture scientifique et d'autre part la recherche. La culture scientifique est plutôt le domaine de l'enseignant, du pédagogue ou de l'amateur. La recherche est du domaine du scientifique tel que le sens commun l'entend. Son travail est par définition la production de connaissances, il ne s'engage que dans ce qui est susceptible de donner des découvertes. Placer devant un terrain qui peut recéler des découvertes, le paléontologue ou le minéralogiste entreprendra une exploitation.
La seule protection qu'il peut demander est celle qui a pour objet d'assurer l'intégrité du gisement entre deux campagnes de recherches. Il faut pour qu'une telle protection soit justifiée que le gisement soit particulièrement riche car le chercheur n'est ni un mineur ni un carrier, il ne peut pas être continuellement sur le terrain. Il est souvent redevable d'une exploitation intensive industrielle ou d'une exploitation par des prospecteurs professionnels ou amateurs.
Présenter les objets minéraux ou fossiles comme des objets scientifiques est une erreur car, par exemple, le premier tyrannosaure fut un objet scientifique, mais le douzième exemplaire ne l'est plus. C'est un objet culturel ou pédagogique, mais non plus scientifique.

III - C - Le patrimoine actif et le patrimoine passif
Pourquoi alors, l'exploitation des gisements a-t-elle une si mauvaise presse ? L'argument principal, souvent cité, pour justifier une protection est que : "une fois récolté, un objet géologique ne se renouvelle pas". C'est bien sûr vrai, mais c'est aussi insidieux parce que une fois récolté, ce même objet ne disparaît pas forcement. Il peut entrer dans une collection privée ou publique. Cette mise en collection est aussi une mise en patrimoine importante et satisfaisante.
L'histoire des collections montre les taux de perte et de destruction sont faibles. À l'heure actuelle beaucoup de gisements sont épuisés, fermés ou d'accès dangereux et les scientifiques vont chercher leurs échantillons d'étude dans les collections. Les gisements se faisant de plus en plus rares ou les mines fermant, les scientifiques vont de plus en plus chercher le matériel dans les collections existantes. C'est un fait reconnu que tout intéressé à plus de chances de voir quelque chose de valable en visitant une collection qu'en allant sur le terrain. Le scientifique est donc redevable au prospecteur professionnel ou amateur. On voit ici qu'il y a deux termes dans le patrimoine des sciences de la terre. Ils peuvent être désignés comme le patrimoine actif d'une part et le patrimoine passif d'autre part.
Le patrimoine actif désigne les lieux où les objets des sciences de la terre sont accessibles soit au public, soit à un groupe spécialisé. Il s'agit pour l'essentiel des collections publiques et privées ainsi que des gisements faisant l'objet d'une exploitation scientifique ou autre.
Le patrimoine passif désigne les gisements reconnus et devenus inexploitables soit parce qu'ils ont été fermés et comblés soit parce qu'ils sont sous le coup d'une mesure de protection. Parfois un affleurement peut y être observé. Dans ce cas les intempéries et la végétation ont vite fait de l'altérer et de diminuer son intérêt.

On aboutit à une situation un peu absurde : on protège un affleurement de mauvaise qualité au détriment d'une exploitation qui pourrait permettre des découvertes. Il ne faut pas oublier que l'immense majorité des gisements ne doivent leur notoriété que parce qu'ils ont été exploités intensément. C'est le cas de presque tous les gisements minéralogiques filoniens.

IV- Qui est demandeur de patrimoine dit "géologique" et qui l'utilise ?
Après avoir abordé le coté scientifique, examinons maintenant la question suivante à savoir : "Qui demande la protection d'un lieu pour des motifs "géologiques" ?
Si l'on examine les textes disponibles, les demandeurs de patrimoine se répartiraient selon l'ordre suivant : les scientifiques (sous-entendu les chercheurs), les enseignants, les associations, le tourisme, le voisinage et enfin le politique. Dans les faits, il faut réviser cette classification. On aboutit le plus souvent à une répartition où les associations, le politique et le voisinage ont un rôle prépondérant et où les motivations touristiques l'emportent largement sur les motivations pédagogiques ou scientifiques.

V - Pourquoi conserver un patrimoine dit "géologique" ?
Il ne faut pas se voiler la face et utiliser de faux arguments. La protection d'une structure géologique ou d'un gisement ne relève que rarement de motifs scientifiques. Elle est plutôt un changement d'exploitation : à l'exploitation artisanale ou industrielle des richesses du sous-sol, on préfère une exploitation touristique et culturelle. Pour s'en convaincre imaginons le tollé si l'on interdisait aux touristes et aux enseignants, l'accès aux sites protégés.
À ce stade, on s'aperçoit que ce que l'on appelle le patrimoine géologique consiste surtout en quelques structures remarquables, à caractère touristique, culturel et pédagogique. C'est aussi un patrimoine passif bien souvent éloigné de la recherche scientifique. Il est, tant par son objet, ses objectifs et son mode de gestion, très éloigné d'autres patrimoines, que certains voudraient y voir figurer, comme ceux de la minéralogie et de la paléontologie.

VI - Comment faire fonctionner un patrimoine ?
Conserver un patrimoine c'est bien, le faire croître et fructifier c'est mieux. Vouloir augmenter le patrimoine géologique peut se comprendre et n'est pas critiquable en soi. Le problème est que l'extension de ces protections porte un préjudice considérable aux patrimoines minéralogiques et paléontologiques. Or, pour ces derniers, la principale source de croissance se trouve dans l'accroissement des collections publiques et privées et par conséquent dans l'exploitation des gisements. Tout collectionneur est un acteur de l'enrichissement du patrimoine. Tout entreprise d'exploitation du monde souterrain y participe aussi.
Ces dernières décennies, l'apparition d'un nombre croissant de collectionneurs en minéralogie et paléontologie a permis le développement d'un marché très actif. Grâce à ce marché, des gisements ont pu être exploités, des commerçants ont pu aller s'approvisionner dans des pays de plus en plus lointains. Si l'on prend l'exemple des collections de minéralogie, ces trente dernières années ont produit un nombre considérable de spécimens d'une qualité jusqu'à là inégalée. De nombreux échantillons anciens ont été déclassés par les découvertes récentes.
Si je devais établir une estimation, je serais enclin à dire que cette période a donné 70% des échantillons minéralogiques connus de haut niveau. Si les collections de minéralogie publiques n'avaient pas privilégié les acquisitions, si notre pays n'avait pas un nombre conséquent de collectionneurs motivés, le patrimoine minéralogique français aurait eu un retard impossible à rattraper.
La mise en protection des gisements s'oppose à cet enrichissement. Elle est de plus paradoxale en ce sens que les exploitations minières et carrières de notre pays ferment d'elles-même les unes après les autres. Les lois de protection sur l'environnement obligent leur comblement alors qu'ils devraient bénéficier d'une politique qui favorise leur exploitation.
Une telle politique permettrait d'enrichir ce qui constitue la partie la plus visible et la plus importante du patrimoine minéralogique et paléontologique, à savoir les collections publiques et privées.

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