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Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le projet de création d'une réserve naturelle nationale (RNN) des falaises jurassiques du Calvados.
Sur les plages du Calvados, on ne trouve pas seulement les vestiges du Débarquement, mais aussi ceux de la période jurassique. Il y a 160 millions d'années, la Normandie se trouvait sous la mer. De ce passé immémorial subsiste un patrimoine scientifique et naturel, les fossiles, restes d'animaux marins (crustacés, poissons, reptiles, requins et même dinosaures), piégés dans les sédiments formant les falaises actuelles. Sur de nombreux sites, comme celui des Vaches Noires, entre Villers-sur-Mer et Houlgate, l'érosion provoque la chute de ces objets directement sur l'estran.
Ces « trésors » naturels ne restent pas longtemps sur la plage car, depuis des siècles, habitants et paléontologues viennent les récolter, et pour certains les apportent aux autorités. Depuis 2011, certaines de ces découvertes sont conservées au Paléospace l'Odyssée de Villers-sur-Mer qui, grâce aux dons de fossiles provenant de collections d'amateurs, a pu mener 40 études scientifiques en douze ans.
À ce jour, si la création de la RNN, qui permettra de préserver tant les magnifiques paysages calvadosiens que la biodiversité locale, n'est pas remise en cause, des voix s'élèvent, y compris parmi les élus locaux, pour contester l'interdiction de ramassage des fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime. L'association paléontologique française (APF), l'association de défense de la paléontologie normande (ADPN) et l'association gemmologie minéralogie et fossiles de l'ouest (AGMFO), notamment, soulignent qu'il s'agit d'une mesure contradictoire et contraire à la philosophie d'une réserve naturelle, dont le rôle est de préserver l'intégrité du patrimoine géologique. Ce dernier serait rapidement et irrémédiablement détruit par l'action des marées, en particulier dans les zones de terrains meubles, fréquentes sur les côtes du Calvados. L'interdiction aboutirait rapidement à une réduction drastique du flux d'alimentation en découvertes récentes pour la communauté scientifique et en spécimens pour les musées.
Quant aux dérogations dont il est question actuellement, il semblerait qu'elles ne résoudront en rien le problème : la découverte d'un fossile étant par définition totalement aléatoire - pouvant être faite par n'importe qui, n'importe quand - la dérogation devrait, de facto, être permanente et pour tous.
Le projet actuel risque donc d'aboutir à la perte d'un patrimoine scientifique et culturel inestimable et même de nuire à l'attractivité touristique du littoral calvadosien. En conséquence, elle lui demande de lui préciser les raisons qui devraient empêcher ce ramassage des fossiles par des paléontologues amateurs et professionnels et plus généralement par un large public, tant cette démarche participe à la valorisation du littoral et cela, sans difficultés depuis plus de deux siècles. Elle souhaite également savoir si le Gouvernement entend prendre en compte les observations des collectivités territoriales concernées, ainsi que l'avis des paléontologues, et ainsi revenir sur le principe de l'interdiction de collecte des fossiles qui figure dans le projet de création de la RNN des falaises jurassiques du Calvados.
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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la biodiversité