Nous sommes partis dans le Bourbonnais, à la recherche d’insectes fossilisés et de vertébrés (mammifères, crocodiles, oiseaux), lors du weekend de la pentecôte 1993.
La fine équipe, un petit groupe de paléontologues amateurs passionnés, membres de la SAGA, avec un éminent paléo-entomologiste du Muséum d’histoire Naturelle de Paris, et un jeune étudiant en paléontologie de l’université de Lyon.
Nous nous étions logés au centre de notre zone d’intérêt et de recherches à l’auberge d’Aigueperse.
Nos pérégrinations nous ont mené à Sainte Marguerite en Limagne du sud pour rechercher plantes, insectes et petits poissons dans des niveaux stratifiés de l’oligocène supérieur.
Carte 1/50 000 infoterre.brgm.fr
Nos pérégrinations nous ont menées à Sainte Marguerite en Limagne du sud pour rechercher plantes, insectes et petits poissons dans des niveaux stratifiés de l’oligocène supérieur.
Puis le lendemain dans l’Aquitanien à Montaigu-le-Blin, nous avons trouvé dans la carrière des restes d’oiseaux.
Poisson Cobitopsis |
Oeufs d’oiseau |
Oiseau |
Oiseau Squelette de paleolodus sorte de Flamant rose |
Plume d’oiseau |
Des restes de mammifères (cainotherium, potamotherium, trichoptere).
Potamotherium (« bête de rivière ») parent primitif des pinnipèdes (phoques, otaries, etc.) |
Squelette de Cainotherium |
De belles plaques de feuilles près d’un étang de pêche à Sainte Catherine. A Gannat ? Nous avons trouvé des tubes de larves de phryganes.
Larve de Phrygane dans son tube |
Mais des insectes fossilisés (en dehors des tubes calcaires), rien, pas le plus petit, ou le plus insignifiant, bernique, macache, que tchi, aucuns !
Différent types de carnivores fosiles de la carrière de Montaigue le Blin ( faune de Saint Gérand le Puy) |
Tous les matins nous passions devant la carrière de Gannat !
Vue de la carrière de Gannat : au travail un rhinoceros est caché dans la photo |
Le dernier jour, le lundi de Pentecôte, notre groupe était plutôt déçu. Nous avions déjà perdu deux participants, nous nous résignions et pour finir nous suivons la suggestion de notre étudiant en Paléontologie, qui avait pas mal sillonné la région, il nous proposait d’aller voir la carrière du Mont Libre, à Gannat, et cette fois de s’y arrêter.
C’était une grande carrière dans les calcaires lacustres de l’oligocène terminal, exploitée par l’entreprise Chaux d'Auvergne (Sichaux), société Balthazard et Cotte puis devenue Bonargent-Goyon, pour la fabrication de la chaux.
Elle était connue pour ses fossiles et ses édifices de stromatolithes associant flore et faune, nous laissant espérer trouver enfin des insectes fossilisés et autres bestioles.
Dans un remblai ; un os, d’où venait-il ?
Au fond de la carrière, dans un coin, un tas de déblais dans lequel des morceaux d’os, un fémur, trouvé par Francis, pas vraiment pris au sérieux, puis des côtes, une vertèbre d’un gros animal, un autre morceau de fémur, gauche celui-ci, avec son troisième trochanter (la soif se faisant sentir) qui est caractéristique des fémurs des périssodactyles, au vu de la taille il ne pouvait s’agir d’un poney.
Ah ça c’est intéressant ! Aucun os en double ! Tout indique la présence d’un gros animal et entier. François s’installe avec une brosse, c’est bien du rhino.
Notre groupe s’en est donné à cœur joie, sortant des sacs, grattoirs et pinceaux; nous commençâmes à dégager du tas quelques éléments de cet animal que nous décidions de surnommer « Pentecôte ».
Nous devions tous rentrer sur Paris, et nous laissions à François Escuillié le soin de poursuivre, tout était à faire pour trouver l’animal en place et l’exhumer.
« Monsieur le Directeur, il y a un rhinocéros dans la carrière » ! »
Le moyen le plus moderne que nous avions à notre disposition pour trouver un interlocuteur, était de chercher les coordonnées de la carrière sur le minitel…. Grâce aux PTT, j’appelais la carrière ;
« Hier, ce lundi de Pentecôte, j’étais dans votre carrière et nous avons découvert des ossements appartenant à un rhinocéros. Je voudrais demander l’autorisation d’engager des fouilles approfondies »
Le secrétariat transmis le message oubliant le mot fossile, pendant un court instant le directeur imagina un rhinocéros vivant gambadant dans sa carrière !!!
Après quelques secondes à se demander si un cirque avait vraiment perdu un rhinocéros dans la région, le directeur Philippe Merceneau a écouté la demande.
Il était assez échaudé par l’expérience d’un autre carrier qui avait vu une autre exploitation du groupe bloquée pendant 9 mois, carrière et usine, suite à l’organisation de fouilles archéologiques, et il n’était franchement pas trop décidé à donner son accord pour que la même mésaventure lui arrive.
Heureusement, il a été possible d’expliquer comment se dérouleraient ce type de fouille paléontologique, la place occupée par la découverte dans la carrière, et les travaux qui s’y installeraient ne seraient pas de nature à bloquer l‘exploitation.
Le directeur remit la question entre les mains de son directeur d’exploitation, Monsieur Montourcy, ravi par l’aventure, qui se révéla un allier enthousiaste.
Nous avions l'autorisation de faire des fouilles pour trouver la bête.
D’où venaient les remblais ?
Évidement nous avons cherché autour du tas de déblais, mais ce tas venait de plus loin, grâce au suivi de l’exploitation la zone fut retrouvée.
Nous nous sommes installés au camping de Gannat, une équipe de trois personne. C’était pendant le pont du 14 juillet que nous avons fini de décaper l’affleurement. Sur 8 10 m2 apparait le squelette en place, la tête repliée vers l’arrière. C’est bien un rhinocéros typique du stampien du Bourbonnais, Diaceratherium lemanensis, complet, la pelleteuse l’avait juste un peu chatouillé.
La fouille en juillet 1993 |
Ce n’était pas le premier squelette de rhino de la région.
Cuvier mentionne les rhinocéros fossiles de Gannat dans « Recherches sur les ossements fossiles » (1822).
En 1848, Duvernoy décrit un squelette de rhinocéros provenant de Gannat qui fut vendu à prix d’or ( 500 francs or) par les ouvriers de Gannat au muséum d’histoire Naturelle de Paris.
Duvernoy 1848 |
Le rhinocéros de gannat dans la galerie de paléontologie du MNHN
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Il faut tout reboucher !
« J’étais contrarié, mais tous les soirs, je viens voir l’avancement de vos travaux, c’est magnifique ! Est ce qu’on peut le réenterrer » ?
« On remet les déblais pour le protéger et vous revenez en septembre parce qu’il faut montrer ce que vous faites ».
Le directeur de la carrière avait raison il fallait que tout le monde puisse voir ça. Comment ? Mais grâce à un immense soutien local, la fierté d’une municipalité.
Le club du rotary de Gannat a commencé à nous soutenir, enthousiaste après la visite du site, puis le directeur de l’Intermarché de Gannat nous a ouvert ses portes. Ils nous ont aidé pour nous loger en mettant à notre disposition des entrepôts occupés de sacs de plâtre. Ils nous ont nourris, trop contents ! avec les invendus. Le collège de Gannat et le lycée professionnel Gustave Eiffel nous ont aussi soutenu dans l’action.
Sainte Procule, sainte céphalophore et probablement première reconstitution d’un rhinocéros fossile de Gannat
Vue de la carrière de Gannat et des fouilles en cours pour atteindre le niveau fossilifère.
La création de Rhinopolis
Les débouchés pour les étudiants de Paléontologie n’étaient pas si nombreux. E. Buffetaut avait montré la voie en soutenant Jean Leloeuf à monter un musée associatif dans la haute vallée de l’Aude sur le site de dinosaure d’Esperazza.
Nous avons profité de cette découverte pour fonder Rhinopolis, nous voulions contacter l’Ionesco l’auteur de Rhinoceros… sans succés !
Dans une ancienne boîte de nuit avec des spots partout étaient exposés, un moulage de dinosaure et de nombreuses découvertes locales depuis celle du rhino.
Crâne de diaceratherium ancêtres des rhinocéros actuels
Le squelette « Pentecôte » a été offert à la ville de Gannat par Philipe Mercelau et puis les fouilles ont repris avec un premier chantier d’insertion.
« Pentecôte » est exposé dans le musée Municipal de Gannat, plus précisément dans le réfectoire de ce qui était jusque dans les années cinquante une ancienne prison. Il est le rare squelette complet et le premier d’une longue série, il y a eu 7 autres rhinos découverts.
Un chantier de fouilles est installé dans la carrière du Mont libre. L’association ASNA fouille encore.
Il faut parler du futur
Gannat est un cimetière de rhinocéros connue depuis Cuvier 1820, de nombreux spécimens dorment dans les flancs de la colline du Mont Libre.
Allons les chercher !
Patte et crâne de rhinocéros
Documents
Extrait : Les gisements de Gannat ont fait l’objet de fouilles et récoltes diverses par l’Université de Lyon et notamment par Marguerite Hugueney (Hugueney et al., 1983 ; Hugueney, 1997).
D’après ces travaux, les gisements de Gannat correspondent à différentes poches datées pour partie de l’Oligocène terminal (« Gannat sommet » ; Chattien, niveau repère MP30 ;
Hugueney, 1997) et du Miocène basal (« Gannat sup. » ; Aquitanien, biozone MN1 ; Hugueney, 1997). Malheureusement, ces récoltes ne sont pas formellement localisées, certaines proviendraient de l’ancienne exploitation, aujourd’hui devenue la déchetterie de Gannat (Hugueney, com. pers.). Les découvertes de l’association Rhinopolis antérieures à 2003 ainsi que les découvertes historiques de vertébrés fossiles dans la carrière de Gannat ne sont pas mieux localisées géographiquement et stratigraphiquement. En revanche, les fouilles de l’association Rhinopolis organisées par S.H. depuis 2003 sont bien localisées (Pl.1) Il est donc possible d’établir plusieurs listes fauniques en fonction du lieu de fouilles (Tableau 1). Nous proposons ici :
- la liste Gannat « sommet » (MP30, d’après Hugueney et al., 1983 ; Hugueney, 1997), poche non localisée sur le plan (Pl. 1B).
- la liste Gannat « sup.» (MN1, d’après Hugueney, 1997), poche non localisée sur le plan (Pl. 1B).
- la liste Gannat « coll. Rhinopolis », avec les fouilles Rhinopolis 1993 et 1994 (points 1, 2 et 3 sur le plan, Pl. 1B) et plusieurs fouilles non localisées (points 1 à 5).
- la liste Gannat « fouilles Points 4 et 5 » (Pl. 1B), correspondant aux fouilles Rhinopolis 1999, 2000 et 2003, et aux découvertes 2003 à 2007.
- la liste Gannat « fouilles Point 6 » (Pl. 1B), correspondant aux fouilles Rhinopolis 2004, 2005, 2007.
Dans les fouilles Rhinopolis des points 4 et 5, outre la présence de nombreux ossements d’oiseaux, nous pouvons également noter la présence de chéloniens (restes très fragmentaires de Trionyx sp., Ptychogaster emydoides et d’unetortue terrestre indéterminée), de squamates (en cours d’étude) et de crocodile(s).
Le problème de l’âge des gisements de Gannat a déjà été soulevé par Hugueney (1997). Il est probable qu’il existe d’autres poches d’un âge MP 30 ou même plus ancien, notamment à cause de la présence des rhinocérotoïdes rhinocérotidé Ronzotherium romani et hyracodontidé Eggysodon pomeli, typiquement oligocènes, qui n’ont pour l’instant jamais été découverts en association avec les restes de Diaceratherium (Heissig, 1969 ; Uhlig, 1999). De même, le crâne de P. pleuroceros en collection à l’association Rhinopolis provient d’un niveau nettement plus bas que les fouilles jusqu’alors effectuées. Il provient d’un sondage en carrière, près du point 2, à au moins 4 mètres de la surface actuelle (Pl. 1B ; F. Escuillié, com. pers. 2007).
Bibliographie
- Saga information N° 327 – Mai 2013 texte de Jean-Pierre Malfay Pages 3 et 4
- SAGA Information n° 131, novembre 1993 pages 5-7
- Revue des Sciences Naturelles d’Auvergne, vol. 71, 2007 Nouvelles données sur les rhinocéros fossiles de Gannat (Allier, limite Oligocène-Miocène)
BONUS