Le Mineral City se situe dans un secteur où se trouve des points de vente plus anciens comme celui de Top Gem, une entreprise de vente en gros implantée depuis des décennies, la CO’OP où l’on trouve de fabuleux fossiles (voir les comptes rendus d’années précédentes), le RMGM Mineral and Fossil Show installé dans une tente peu visible, etc. Parmi tous ses lieux, il y a le Mineral & Fossil Market Place. L’abord en est pas engageant. Il comprend plusieurs grands marchands de minéraux en gros. Il se distingue cependant des autres points de vente car c’est ici que l’on trouve les belles roches polies d’Australie ainsi qu’une forte concentration récente de marchands de météorites.
Une tranche polie d’Australie contenant de la tranquillyite, un minéral qui a été déterminé en 1971 suite à la mission Apollo 11 sur la Lune. Il n’a été trouvé qu’à partir de 2011 sur Terre dans environ huit gisements.
Outre deux grandes tentes où l’on trouve du matériel de vente en gros de faible qualité, il y a des petites « échoppes » a priori modestes dans lesquelles il y a des roches, météorites, opales et autres de grande qualité.
On y trouve le principal fournisseur de beaux rostres de belemnite et bivalve en opale, d’Australie aussi.
Le Market Place a aussi accueilli récemment Le Black Hills Institute, une des plus grandes références en fossiles.
Un peu plus loin on découvre le magasin « Superb Minerals » qui présente une impressionnante sélection de minéraux indiens. Avec entre autres des spécimens géants, c’est-à-dire métriques, de géodes contenant des zéolites et minéraux associés des trapps du Deccan. Rappelons que les trapps sont de vastes empilements horizontaux de coulées de lave (basaltique). Au Deccan, ils couvrent une superficie de 500.000 km2 et peuvent atteindre une épaisseur de 2400 mètres. On pense qu’ils se sont formés lorsque que ce qui allait devenir l’Inde est passé sur le point chaud où se trouve actuellement la Réunion.
Quelques exemples de pièces métriques: un scolécite et une apophyllite verte.
Quelques belles pièces exposées dans une pièce réservée à une clientèle avertie.
L’entrepôt où se trouvent les minéraux vendus en gros (photo à gauche) et un exemple (photo à droite) de beaux spécimens présentés en vitrine dans une pièce réservée à une clientèle sélectionnée.
Pour le collectionneur en sciences de la terre, Tucson est le lieu où l’on acquiert les meilleurs minéraux et fossiles. En fait de façon plus réaliste, la grande majorité des manifestations concernent les pierres gemmes, la bijouterie, souvent bon marché, contenant des gemmes et les pierres de décoration. Les lieux les plus prestigieux sont AGTA et GJX. Ils sont réservés aux professionnels, qui n’aiment pas trop que l’on prenne des photos. Aussi, il y en a peu.
La partie supérieure d’AGTA est occupée par des stands présentant les principales écoles de gemmologie, des revues sur le même sujet, des laboratoires, des officines d’ expertise et des entreprises vendant des appareils.
La Smithsonian Institution présente les donations de pierres taillées reçues l’année passée.
Elle présente aussi des joyaux comme cette collection de bijoux-papillons.
Au GJX il est tout aussi difficile de faire des photos. Il y avait cependant le stand d’un grand négociant d’or australien où était présentée une énorme pépite.
Cette 69e édition du la foire de Tucson sera marquée comme celle qui signe la fin des restriction dues à la pandémie. L’optimisme est de rigueur bien que la météo soit un peu fraîche mais tout de même agréable.
Les trois (quatre) lieux incontournables que l’on doit voir en premier lieu sont situés sur l’avenue Granada non loin du centre historique de Tucson. Il s’agit tout d’abord du Fine Mineral International, puis de la Granada Gallery à laquelle s’est adjointe cette année la Granada Mineral Showcase et enfin la Fine Mineral Gallery qui s’est constituée récemment.
La Granada Gallery est principalement consacrée aux fossiles et parfois aux minéraux. On y trouve également des compositions artistiques. Elle est axée sur une esthétique savante. L’ambiance est donnée dès le parking où trônent des sculptures de dinosaures, l’entrée de la galerie est ornée de deux ammonites géantes.
Outre quelques très beaux fossiles très bien préparés, on a vu cette année des gogottes d’Harleville qui sont de plus en plus appréciées par les collectionneurs, musées et décorateurs. On regrettera que cette carrière ait été arrêtée trop tôt alors qu’il y avait encore beaucoup de gogottes.
Il s’agit là d’une petite maison qui accueille deux marchands français : Laurent Thomas spécialisé dans le matériel malgache et Brice Gobin actif en ce moment surtout sur les minéraux brésiliens qui bénéficient des restaurations d’Emanuele Marini. On a noté deux nouveautés malgaches : des sapphirines « géante s », jusqu’à 11 cm de diamètre et des quartz avec des inclusions d’hydrocarbures fluorescents. Quant au Brésil, il continue se distingue par des tourmalines avec quartz de grandes dimensions et qualités.
Parmi les minéraux d’autres origines, il y a une très belle calcite des USA, déjà acquise par un musée étatsunien ainsi que des grands quartz colombiens au faciès Muso typique. Ce pays produit aussi des groupes de cristaux plus petits aux terminaisons ocres très esthétiques. Il faudra cependant être prudent car cette couleur est superficielle (dépôt d’oxydes de fer), un marchand en a fait l’amère expérience en les nettoyant à l’acide : il doit se contenter maintenant de quartz incolores.
Revenons sur les quartz à inclusions d’hydrocarbures. Ceux trouvés au Pakistan ont attiré l’attention des commerçants depuis quelques années car il donnent de magnifiques figures sous la lampe UV. Cette année des cristaux de ce type ont été trouvés en abondance à Madagascar et ont créé l’évènement. Ils ont été baptisés « quartz luciolle » pour la couleur verte qui apparaît sous lumière noire (autre nom de l’éclairement UV).
Il y a encore de magnifiques halites bleues de Carlsbad (Nouveau Mexique, USA). Les prix restent toujours élevés pour un minéral aussi sensible à l’humidité.
Un retour à la Tucson Fine Mineral Gallery (TFMG) où était exposée l’intéressante collection de minéraux du Mexique assemblée durant plusieurs décennies par Kerith Graeber. Les spécimens sont typiques de l’art de collectionner les minéraux étatsunien : les dimensions sont plutôt faibles (moins de 12cm), l’esthétique est très recherchée, et enfin il y a le respect du critère dit de « Wilber », du nom du collectionneur-marchand qui l’a généralisé : l’absence totale de cassures, de « dings », même minuscules, ceux que l’on surnomme les « nanowilbers ».
Toujours à la TFMG, la rencontre de Frederico Pezzotta (oui celui de la pezottaite), qui après avoir œuvré pour le musée de Milan, a décidé de se consacrer à la récolte de minéraux et à la société MCP (Mineralogical Collection Professionals) qu’il a fondé en 2012 et qui d’année en année a pris une importance considérable dans la restauration de minéraux. Restaurations qui permettent par exemple, de voir dans leur état premier de beaux cristaux de tourmaline de Madagascar, récoltés cassés en de nombreux fragments par Pezzotta et son équipe. Contestées jusque dans les années 2010, les restaurations sont de plus en plus acceptées, même par certains musées, pour les minéraux dont la principale qualité est leur esthétique.
Tucson c’est aussi des parties plus ou moins festives ou studieuses. C’est l’occasion de discuter, se renseigner ou amorcer des négociations. La première est celle de la galerie Granada.
Au Mineral City, plusieurs commerçants ont pris l’habitude d’organiser des « apéritifs » auxquels se sont ajoutées des soirées animées par des orchestres comme celui où jouait Evan Jones, un important marchand spécialisé surtout dans la minéralogie de l’Ouest américain et celle du Mexique. Là aussi ces moments sont l’occasion d’engager ou finaliser des négociations ou bien de glaner quelques informations ou tout simplement…. de se désaltérer d’une bière après une chaude journée!
Outre les parties festives, il y a des dizaines de réunions plus sérieuses : celles des conférences. L’une des plus courues, d’année en année, est celle organisée par Raquel Alonso-Perez, conservatrice de la collection de minéraux de l’université de Harvard. Le sujet de cette année, intitulé « For the people that make Museum Collections » (pour les gens qui font les collections de musée) était axé sur l’acquisition, faite par ce musée, des collections Pinch et Feinglos.
La feinglosite est un rare arséniate de plomb et zinc hydraté, approuvé en 1995, trouvé à Tsumeb (Namibie) tout d’abord puis au Laurion (Grèce). La pinchite est un rarissime oxy-chlorure de mercure, décrit en 1974, trouvé dans le mine de Terlingua (Texas, USA).
William Pinch (1940-2017) et Mark Feinglos (1948-2020), des amis de longue date, ont été des figures emblématique de la collection systématique d’espèce qui a connu un incroyable engouement à partir des années 1970 et qui a commencé à s’atténuer durant les années 1990. Atténuation toute relative : le bruit court que le grand spécimen d’andyroberstite, un arséniate complexe de Tsumeb, d’où ont été prélevés quelques rares lamelles qui ont permis l’établissement de l’espèce en 1997, est possédé par un riche collectionneur qui ne le céderait pas en dessous d’un million de dollars!
Pinch a vendu sa collection au Canadian Museum of Nature d’Ottawa en 1989 pour 3,5 millions de dollar et avait immédiatement après commencé une seconde collection. Proposée à la vente par Pinch quelques années avant son décès, elle ne trouvait pas acquéreur jusqu’à ce que l’université de Harvard s’y intéresse. Ces deux collections sont peu volumineuses et tiennent dans deux meubles à tiroir.
En conclusion, la bourse de Tucson semble avoir pris cette année ces marques de l’après Covid. L’ambiance est chaleureuse, mais loin de l’enthousiasme des années d’avant Covid. Les nouveautés ont été peu nombreuses mais significatives avec les grandes sapphirines, les grandes tourmalines et les quartz à pétrole de Madagascar. Il y a cependant une abondance de spécimens de qualité prêts à satisfaire tout type de collection.... À conditions d’en avoir les moyens car les prix sont largement supérieurs à ceux pratiqués en Europe.
Et pour finir sur autre chose qu’un des magnifiques couchers de soleil de l’Arizona, je vous propose une photo d’une des formations nuageuses étranges que l’on peut voir dans le ciel de Tucson.
See you next year and take care !!!